Les chantiers à Strasbourg :
La difficile prise en compte des usagers les plus fragiles
A la mi-mandat, Strasbourg amorce sa mutation, ce qui génère de nombreux chantiers. Malheureusement, on constate bien trop souvent que la prise en compte des usagers les plus fragiles (piétons et cyclistes) reste laborieuse. C’est d’autant plus préoccupant que les chantiers vont se multiplier dans les mois à venir. Espérons que ce sera l’occasion pour la municipalité d’améliorer ses process et d’enfin proposer une vraie prise en compte des besoins spécifiques de tous les usagers en termes de sécurité et de déplacements.
On connaît bien ces panneaux “cyclistes, pied à terre”, triste solution de facilité à laquelle ont recours la plupart des chantiers de Strasbourg et de Navarre pour se dispenser de proposer un itinéraire sécurisé aux cyclistes, qu’on préfère transformer le temps des travaux en piétons. Personne n’imaginerait cela pour les véhicules motorisés, mais pour les cyclistes, ça passe. C’est dire à quel point le vélo reste considéré comme un loisir plutôt qu’un véritable moyen de transport, même à Strasbourg où la part modale des déplacements à vélo atteignait pourtant 15% en 2021 et dont les compteurs ont relevé une augmentation moyenne de près de 16% sur 2022.
Strasbourg à Vélo échange régulièrement à ce sujet avec les élu·es en charge des mobilités, qui s’étaient pourtant engagé·es à ce que les chantiers soient désormais gérés de façon exemplaire en prenant en compte les traversées cyclables. Force est de constater que c’est encore loin d’être généralisé.
Petite revue illustrée de quelques cas d’école rencontrés récemment dans nos rues :
- Vélo, vole ! (Quai Koenig, Quartier Quartier Bourse)
Le niveau le plus élevé dans l’absence de prise en compte des cyclistes a été atteint par le chantier parfaitement scandaleux au niveau du Quai Koenig qui a sans aucun complexe neutralisé la piste cyclable la plus empruntée de la ville, qui voit passer plus de 10 000 cyclistes chaque jour et dont se félicitent régulièrement nos élu·es sur les réseaux sociaux… Un bel exemple de mépris pour la sécurité des piétons mais surtout des cyclistes !
Pour gagner quelques jours sur un planning probablement très serré, il semblerait que d’aucun·es aient jugé opportun de neutraliser TOUTE la piste ainsi que le trottoir plutôt que de préserver un cheminement sécurisé pour les un·es et les autres. Résultat : des chutes, des accidents et une personne à l’hôpital après avoir été renversée par un automobiliste.
Nous avons reçu notamment le témoignage d’une cycliste victime de l’absence de signalisation et d’aménagements sécurisés : en voulant rejoindre la piste après la zone de chantier, sa roue a ripé sur le ressaut trop élevé et peu visible délimitant la piste de la chaussée, la projetant au sol. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir alerté à maintes reprises la municipalité sur la dangerosité de ce type de ressaut (Quai des Bateliers, Place Sainte Madeleine)…
“Le jeudi 4 mai vers 18h, j’ai chuté à vélo place de la Bourse, juste après le chantier du carrefour, en arrivant de Neudorf, allant vers le centre-ville. Aucune signalisation ne mettait en garde les cyclistes pour rejoindre la piste. Sous estimant le dénivelé entre route et piste, j’ai chuté. Par chance, ma tête n’a pas heurté les poutres protégeant les mini espaces verts ! Un jeune cycliste et une jeune femme ont pris soin de moi et je m’en sors avec de multiples bleus et bosses.
Ce carrefour/chantier me semble très dangereux, surtout pour les deux roues, les piétons étant protégés par des barrières. Faut-il qu il y ait mort d’homme ou de femme ? A suivre en rubrique faits divers…”
Suzanne M.
Quai Koenig, cyclistes, gare à la chute !
Heureusement, les barrières ont finalement été retirées vendredi 5 mai. C’est un véritable miracle qu’aucun accident mortel n’ait eu lieu autour de ce chantier dont la gestion catastrophique est indigne de l’ex-capitale du vélo, qui avec ce type d’erreur voit son titre s’éloigner un peu plus de jour en jour…
- Gymkhana level expert ! (Quai Fustel de Coulanges, Quartier Heyritz)
Au niveau du Quai Fustel, la piste cyclable accueille actuellement un gros trou. Le temps des travaux, une tentative de cheminement sécurisé a été mise en place. C’est déjà pas mal au vu des exemples ci-dessus, mais ça reste laborieux ! On notera qu’une fois encore, au lieu d’inviter chacun·e à la prudence et à partager l’espace sur quelques mètres, on demande au cycliste de “mettre le pied à terre” (l’histoire ne précise pas lequel) et de se transformer en piéton. Difficile de perdre les mauvaises habitudes.
On constate surtout que si dans la direction Bourse -> Heyritz le cheminement est relativement intuitif, la signalisations parfaitement absconse dans le sens Heiritz -> Bourse pousse de nombreux cyclistes à se questionner sur leur don d’ubiquité, puisqu’on les invite à la fois à passer sur la droite et sur la gauche (sur la chaussée donc), tout en leur demandant de mettre pied à terre des deux côtés. Encore une fois, si cela peut faire sourire, imaginons une seule seconde ce type de signalisation aux abords d’un chantier sur une voie dédiée aux voitures…
Quai Fustel, sinueux est ton chemin, jeune Padawan
- Télépathie activée (Rue de la Porte de l’Hôpital)
Au même carrefour, mais en provenance de la route de l’Hôpital et en direction de la rue de la Porte de l’Hôpital, la piste et le trottoir sont là-aussi obstrués. Léger mieux, on nous propose (ENFIN !) une tentative de cheminement sécurisé et séparé des piétons. Malheureusement, l’espace est assez mal indiqué, le logo vélo n’est pas vraiment visible en direction du nord et surtout, l’espace proposé doit faire 70cm de large… pour une bidirectionnelle. On hésite donc entre des félicitations pour l’effort et un appel à un peu plus de pragmatisme.
Rue de la Porte de l’hôpital, où est Charlie ?
Indice : la piste est sur la gauche, et c’est une bidirectionnelle…
- Des cyclistes ?! Qu’est-ce que c’est ?? (Route du Petit Rhin, Quartier Starlette)
Cette voie fait l’objet d’un chantier important, qui neutralise une voie de circulation. La rue est donc mise en sens unique pour les voitures, mais rien n’est prévu pour les cyclistes dont la piste est fermée et qui ne peuvent ni remonter à contresens, faute d’espace suffisant, ni dans le sens de circulation à cause de l’état de la chaussée.
Route du Petit Rhin, morne plaine pour les vélos
Il n’y avait pourtant pas grand chose à faire puisqu’il existe une 10aine de mètres plus loin une voie toute neuve, la rue du Péage, pourvue d’une belle piste bidirectionnelle en parfait état et qui ne propose un détour que de quelques mètres. 3 ou 4 panneaux indiquant la déviation auraient suffi à faire des heureux ! D’autant que ce quartier étant flambant neuf, il est encore peu connu, des usagers comme des GPS…
La rue du péage, parfaite alternative au chantier, mais il faut la connaître
Merci à l’adhérent qui nous a signalé ce bon plan !
Cette petite revue, loin d’être exhaustive, illustre bien la difficulté de la municipalité à encadrer les chantiers et à veiller à ce que les prestataires techniques, dont c’est la responsabilité, appliquent ne serait-ce que le strict minimum vital.
Nous sommes d’autant plus étonné·es de la peine que les élu·es et les services ont à imposer de bonnes pratiques, qu’ils sont en général des interlocuteurs à l’écoute des problèmes que nous leurs remontons. Citons la piste cyclable, malencontreusement rétrécie au lavage sur le Quai Ménachem Taffel et qui va être remise aux normes prochainement ; ou encore le ressaut dangereux au niveau du passage piéton à l’entrée de la place Sainte Madeleine depuis la rue des Bateliers qui a été sécurisé cette semaine grâce à l’intervention de Sophie Dupressoir.
Rue des Bateliers, plus de risque de chute en tournant vers la place Sainte Madeleine
Il est toutefois dommage qu’il soit encore nécessaire de faire ce type de remontées et que ces aménagements puissent être validés et mis en œuvre en premier lieu. Des économies substantielles pourraient être faites en intégrant les bonnes pratiques directement dans les cahiers des charges.
Et en ce qui concerne les chantiers justement, probablement serait-il temps de prévoir directement au niveau des appels d’offres une charte de bonne gestion des déplacements actifs (avec des pénalités très incitatives) comme condition à l’attribution d’un marché. Au-delà du risque d’accident ou de chute, il s’agit de ne pas dissuader les cyclistes du quotidien. Si le parcours pour se rendre sur son lieu de travail est un parcours du combattant, combien seront-ils ou elles à raccrocher les pédales pour retourner s’enfermer dans l’habitacle de leur voiture ?
Remy
Oui vivement que les travaux soient terminés pourquoi en France les trraux défigurent nos villes serait ce parce que les budgets sont débloqués à ce moment me pose tjrs cette question
Merci de votre réponse
Avez-vous remarqué que la piste du Quai Ménachem Taffel est en train de se rétrécir sur le trottoir d’en face de la même manière? L’autre jour, la personne qui prenait les mesures était en train de s’aligner sur l’erreur d’en face? Merci de veiller à ce que cette erreur ne se prolonge pas sur le reste des travaux. Bon courage à vous.
Les travaux du stade de la Meinau démarrent et évidemment la piste en souffre.
Décidément, rien ne change.