Strasbourg à vélo lance la semaine des conflits piéton·ne·s-cyclistes. Retrouvez chaque jour le top du top des aménagements cyclables qui entretiennent ces conflits.
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À Strasbourg, le tram a constitué un levier majeur pour le développement des aménagements cyclables dès les années 1990.
Si l’apparition du tram s’est accompagnée de la création de nombreuses infrastructures cyclables structurantes, le manque de priorisation des modes de déplacement a conduit à la construction d’aménagements structurants souvent trop étroits pour les mobilités actives. Et là, c’est un véritable tapis rouge qui se déroule pour accueillir les conflits entre piéton·ne·s et cyclistes.
2000 : le tram arrive aux Contades, les mauvaises habitudes aussi
Arrivé sur l’Avenue de la Paix en 2000, le tram a été l’occasion de réaménager l’espace pour faire de la place aux mobilités actives. Néanmoins, les espaces alloués aux cyclistes sont contraints et souvent rétrécis.
L’aménagement cyclable est source de conflits entre piéton·ne·s et cyclistes en raison de mauvais choix et de la présence récurrente de voitures sauvagement stationnées sur le trottoir.
Comme trop souvent, la voiture prend l’espace dédié aux mobilités actives et ces dernières se disputent pour les miettes, alors qu’elles sont les seules légitimes à occuper cet espace. Analyse en images.
2020 : L’arrivée du tram à Koenigshoffen ou le rendez-vous manqué des mobilités actives
En 2020, l’extension de la ligne F s’est poursuivie sur la route des Romains, faisant arriver le tram à Koenigshoffen. Alors que le tram est un vecteur de changement, de réorganisation de l’espace public et de nouvelle hiérarchisation des modes de transport, la municipalité de l’époque a fait le choix… de ne pas choisir.
Ainsi, la totalité des aménagements actuels dédiés aux mobilités actives entre les arrêts Porte Blanche et Comtes n’est pas dictée par la présence structurante du tram, mais par la volonté de conserver des axes confortables et directs pour les automobilistes.
Pour quels résultats ? Les mobilités actives, pourtant situées au sommet de la pyramide des mobilités, ont été la dernière priorité de ce grand projet de réaménagement. Tant pour les piéton·nes que les cyclistes, l’aménagement réalisé laisse un goût amer.
Dès l’entrée de Koenigshoffen, l’aménagement à la strasbourgeoise est bien reconnaissable grâce à la présence de pistes cyclables sur le trottoir. Située à l’extrémité gauche du trottoir, cette piste cyclable passe soudainement à droite au niveau du musée Vaudou.
Dès les premiers mètres, le message est passé : les mobilités actives ne sont pas la priorité du réaménagement d’envergure de la route des Romains.
Chaque jour, les cyclistes roulent sur la partie piétonne tandis que les piéton·ne·s empruntent la piste cyclable, ce qui génère des frustrations des deux côtés.
De l’autre côté, parallèlement à deux belles et larges voies de circulation pour les véhicules motorisés et une voie bus, le partage de l’espace s’est révélé bien peu généreux. Tandis que les cyclistes roulent sur la plus petite piste cyclable bidirectionnelle de France, les piéton·ne·s cheminent sur un trottoir très étroit.
Le bouquet de l’anti-pyramide des mobilités ou de la pyramide de l’immobilité est cependant encore à venir ! Après le Wagon Souk, lorsque cyclistes et piéton·ne·s souhaitent continuer de cheminer sur la route des Romains, ils doivent traverser deux intersections pour contourner la bretelle d’autoroute.
Et les automobilistes ? Les automobilistes profitent, comme d’habitude, d’un cheminement direct vers la route des Romains ou l’autoroute.
Cet aménagement catastrophique accentue la frontière mentale et physique entre le quartier de la gare de Koenigshoffen, celle-ci étant déjà très marquée par la présence de l’autoroute à l’entrée du quartier.
En négligeant les mobilités actives, l’entrée dans le quartier est tout sauf plaisante et attractive. En effet, cyclistes et piéton·ne·s doivent non seulement contourner la bretelle, mais ils doivent aussi cohabiter sur un trottoir classé “voie verte”, donc sans séparation des flux.
À cet endroit, on a décidé de négliger volontairement les mobilités actives en leur imposant un contournement et puisque cela ne suffit pas, le réglage des feux est opéré de sorte à ce qu’iels doivent attendre deux fois au feu rouge.
Plus loin sur la route des Romains, l’absence de hiérarchisation des modes conduit à des conflits quotidiens entre cyclistes et piéton·nes.
Les trottoirs se voient rétrécis au maximum pour insérer une piste cyclable miniature, miniature mais tout de même bien utile pour les stationnements sauvages quotidiens d’automobilistes. Grâce à ces dernier·e·s, la piste a été bordée de plots qui réduisent encore plus la largeur roulable.
Ainsi, sur ce ridicule trottoir où doivent cohabiter les deux modes, non seulement deux cyclistes ne peuvent rouler côte à côte ou se doubler, mais les piéton·nes ne peuvent ni marcher à deux, ni pousser une poussette à côté d’un enfant plus grand qui marche, ni se déplacer avec une valise.
Dans ce projet de réaménagement qui se voulait ambitieux, tout le monde est perdant et chemine avec un grand inconfort et une frustration constante, sauf les automobilistes qui profitent d’une voie confortable.
Ces aménagements ayant été réalisés en 2020, ils vont accompagner un flux continuellement grandissant de petit·e·s et grand·es cyclistes de tous genres, à vélo classique, vélo cargo ou dotés de remorques.
Non seulement les aménagements actuels sont insuffisants pour absorber le flux actuel et futur de cyclistes, mais ils génèrent de plus d’importants conflits entre piéton·nes et cyclistes. Quel gâchis !
Quelques dizaines de mètres plus loin, la déception continue au niveau de l’arrêt de bus « Comtes » parallèle au terminus actuel du tram.
Ici encore, piste cyclable et trottoir s’inversent soudainement, ne laissant plus aucune place aux piéton·ne·s qui doivent contourner l’arrêt de bus.
Les conflits sont quotidiens et persistent dans le franchissement de l’intersection pour rejoindre le square Appert puisqu’aucun espace de stockage n’a été prévu pour les cyclistes qui attendent au feu.
Comment, alors que la route des Romains a été remise à plat, a-t-on pu arriver à un niveau si extrême de conflits entre mobilités actives ?
Cet exemple doit alerter et inciter les élu·e·s à faire preuve d’une plus grande ambition pour les futurs réaménagements accompagnant l’arrivée du tram, notamment Avenue des Vosges, où les conflits entre piéton·nes et cyclistes sont déjà largement prévisibles.
2023 : SAV alerte sur la qualité des aménagements cyclables et piétons dans le cadre de l’extension du tram F
Après le volte-face de la municipalité sur la mise à sens unique d’une portion de la route des Romains, SAV s’inquiète sur les espaces consacrés aux mobilités actives dans le cadre de l’extension du tram F.
Comme d’habitude, cyclistes et piéton·ne·s pourront profiter de pistes cyclables sur le trottoir, pour lesquelles nous espérons une séparation physique pour éviter les conflits entre usager·es.
Cela étant dit, les conflits seront inévitables puisque la requalification de la route des Romains et les profondes mutations qu’elle va connaître ne sont pas prises en compte dans le projet.
Quid de l’école primaire qui ouvrira ses portes en septembre 2024 rue Mentelin ? Quid du nouveau collège de Koenigshoffen qui sera construit dans cette même rue ?
Sur une piste cyclable bidirectionnelle de 3 mètres de largeur – soit un mètre de moins que les recommandations officielles – devront circuler de nombreux cyclistes, et notamment des familles et des adolescent·es du quartier.
En l’état, la largeur ne permet pas à un enfant de rouler à côté de son parent, ni à deux collégien·e·s de rouler côte-à-côte. Que se passera-t-il donc ? Les cyclistes mordront sur le trottoir, ce qui gênera légitimement les piéton·nes.
Alors que Strasbourg se revendique ville marchable et cyclable, force est de constater que ce ne sont pas les usager·es situé·es au sommet de la pyramide des mobilités qui déterminent les choix d’aménagements, mais bien la voiture.
A SAV, nous ne cessons de nous interroger :
Pourquoi les projets qui se veulent ambitieux prennent pour objectif le statut quo des parts modales vélo et piétonnes et non pas les projections, alors même que ces infrastructures vont accompagner les mobilités durant des dizaines d’années ?
Comment peut-on envisager une véritable révolution des mobilités dans les quartiers si l’on ne considère pas le fait qu’aujourd’hui, à Koenigshoffen notamment, de potentiels cyclistes ne se déplacent toujours pas à vélo à cause des bandes cyclables dangereuses ?
Pourquoi ne pas prendre en compte les nouveaux besoins de mobilité induits par la création de deux établissements scolaires afin d’en faire un levier pour renforcer la cyclabilité du quartier ?
Nous demandons à la municipalité de faire preuve de courage et de détermination pour faire émerger des espaces confortables et sécurisés pour les mobilités actives, sans possibilité de conflits.
Nous demandons à ce que les piéton·ne·s puissent déambuler sereinement côte-à-côte, avec une poussette ou des enfants ou encore en tirant une valise, et ce grâce à de larges espaces dédiés où les flux sont efficacement séparés.
Retrouvons-nous demain pour la clôture de cette semaine dédiée aux conflits piéton·ne·s-cyclistes avec une action spéciale pour finir en beauté. Un indice : cela se passera sur une célèbre avenue…