Si l’on veut favoriser l’usage du vélo et sécuriser les déplacements, il est grand temps de repenser l’ordre des priorités et le traitement des intersections. Une priorité donnée aux mobilités actives sur l’ensemble des intersections, quelle que soit leur nature, sécuriserait les cyclistes ainsi que les piéton·nes et contribuerait à une meilleure prise en compte des cyclistes par les usager·es motorisé·es. Il devient également urgent de sécuriser au maximum les traversées cyclables avec des marquages clairs et un aplat de couleur.
La pratique du vélo est en croissance dans la métropole et fait l’objet d’une communication forte de la part des élu·es. Pourtant, de nombreux freins à son développement persistent.
Le mauvais traitement des intersections en est un : de nombreuses pistes cyclables sont interrompues car non prioritaires aux intersections.
Pistes cyclables parallèles aux routes principales et traversant une route secondaire : priorité aux modes actifs !
Ce type de carrefours est majoritairement en défaveur des cyclistes qui subissent :
– soit un panneau cédez le passage
Route de Lyon à Illkirch, les cyclistes doivent céder le passage aux usagers d’une impasse résidentielle.
– soit une absence de signalisation qui crée la confusion entre usager·es du vélo et conducteur·ices de véhicules motorisés coupant la piste : même quand l’automobiliste arrivant d’une voie secondaire doit la priorité aux piéton·nes puis aux véhicules motorisés circulant l’axe principal.
À gauche, l’intersection entre la rue de la Robertsau et la rue des Maires Schaub à Bischheim. À droite, l’intersection rue du 23 novembre et la rue Foch à Schiltigheim.
À l’intersection récemment repeinte (été 2022) entre la rue de la Robertsau et la rue des maires Schaub à Bischheim (à gauche) : après la descente du pont, les cyclistes doivent céder le passage au profit d’une route secondaire.
À l’intersection de la rue du 23 novembre et de la rue Foch à Schiltigheim, les voitures cisaillent la traversée cyclable ou l’encombrent en s’arrêtant au cédez le passage. La traversée cyclable n’est d’ailleurs pas matérialisée à cet endroit.
Cet ordre de priorité est contraire à l’esprit de l’article R415-14 du code de la route : “Pour l’application de toutes les règles de priorité, une piste cyclable est considérée comme une voie de la chaussée principale qu’elle longe, sauf dispositions différentes prises par l’autorité investie du pouvoir de police.”
Nos revendications :
Dans ce type de configuration, il semble logique qu’un cédez le passage donnant la priorité aux piéton·nes et cyclistes soit matérialisé sur la route secondaire, et que la traversée soit renforcée par une couleur de voie (enrobé, résine ou peinture) distincte en sus des chevrons et logos vélo. C’est ce que nous demandons depuis plusieurs années, ainsi que la réalisation de trottoirs traversants qui permettent de limiter efficacement la vitesse des véhicules motorisés et de clarifier le régime de priorité pour tout le monde.
Voici l’ordre de priorité idéal qu’il serait urgent de mettre en place à ce genre d’intersection :
Exemple de configuration similaire à l’intersection de la route de Bischwiller et de la route du Général de Gaulle (source : chaîne Youtube Altis Play)
Pistes cyclables traversant une route : rien ne justifie que piéton·nes et cyclistes aient des priorités différentes !
Dans le cas de pistes cyclables traversant une route, le régime de priorité est quasi-systématiquement défavorable au vélo.
3e passage cyclable le plus important de la métropole (route de Bischwiller / route du Général de Gaulle) : les cyclistes doivent la priorité aux automobilistes, qui doivent la priorité aux piéton·nes
Dans tous ces cas, la hiérarchie des priorités à ces intersections est actuellement : les piéton·nes bien évidement, puis les automobilistes, et enfin les cyclistes qui sont les dernier·es à passer. Cette hiérarchie pose un vrai problème de sécurité et génère de la confusion pour tous·tes les usage·res.
Comme la piste cyclable longe le passage piéton, rien ne justifie que les piéton·nes et les cyclistes soient soumis à un régime de priorité différent. Certain·es automobilistes ayant intuitivement intégré la double priorité cycliste et piétonne cèdent le passage aux vélos, tandis que d’autres ignorent la continuité cyclable et cisaillent la piste. Ceci met la sécurité des cyclistes en jeu. Ici encore, le marquage est insuffisant : la visibilité des pictogrammes est bien faible pour un·e automobiliste ! De plus, il y a fort à parier que de tels aménagements favoriseraient aussi le respect des passages piétons par les usagers motorisés, et améliorerait ainsi la sécurité des piéton·nes (qui sont régulièrement mis en grave danger par ces infractions motorisées).
Nos revendications :
Nous demandons que la priorité soit rendus au vélo sur les axes cyclables structurants qui croisent une route.
La rue de l’abbé Lemire : un modèle à généraliser !
Cet été, nous avons pu constater qu’une telle priorité a été créée à l’intersection de la de la rue de l’Abbé Lemire avec la piste sortant du tunnel cyclable venant de la rue du Ban de la Roche. Non seulement la priorité y est favorable à l’axe cyclable, mais un stop qui a été marqué. Ceci confère encore plus de sécurité à la traversée piétonne. Il ne manquerait plus qu’un petit plateau traversant, et le tableau serait parfait !
Cerise sur la gâteau, c’est un marquage de couleur en résine gravillonnée a été utilisé pour marquer ce carrefour d’un genre nouveau à Strasbourg. La preuve par l’exemple que c’est POSSIBLE !
Intersection entre la rue de l’Abbé Lemire et la piste passant par le tunnel cyclable
Nos revendications en bref : priorité, matérialisation, couleur !
Vous l’aurez compris, nous demandons un changement de l’ordre des priorités : priorité systématique et explicite en faveur des pistes cyclables !
Strasbourg à vélo à déjà évoqué cette problématique lors d’un comité de co-pilotage avec les services de l’Eurométropole en juin 2023. Lors de cette réunion, il nous a été demandé de faire l’inventaire de ces passages piétons bordés d’une piste cyclable avec un cédez le passage. Ils sont bien trop nombreux pour qu’un tel travail soit à la portée d’une association comme la notre, dont l’action repose uniquement sur l’engagement militant des bénévoles;
Nous demandons à l’Eurométropole (qui a installé ces panneaux, et par conséquent devrait savoir où ils se trouvent) de faire le nécessaire pour qu’enfin les cyclistes soient prioritaires sur les automobilistes et autres usager·es motorisé·es dans ce type de configuration.
Prenons pour modèle le traitement de l’intersection de la rue de l’Abbé Lemire, où la traversée a été matérialisée par une résine gravillonnée rouge. Malgré des retours positifs, le choix a été fait de n’apposer aucune résine gravillonnée sur les traversées cyclables des autres aménagements cyclables livrés en 2023. Tandis que Nancy fait de grands progrès dans le traitement de ses intersections, Strasbourg semble avoir du mal à changer ses habitudes. Ce n’est pas à ce rythme qu’elle redeviendra la capitale du vélo en France.
La rue Jeanne d’Arc à Nancy en 2023 (extrait d’une vidéo)
Nous recommandons aux services et aux élu·es de se pencher sérieusement sur ce sujet. Nous souhaitons les voir se baser sur les références ci-dessous pour améliorer la sécurité effective des déplacements à vélo. Au delà des nécessaires créations de nouvelles pistes cyclables, c’est à travers ce type de changement culturel et technique que la pratique du vélo pour tous·tes progressera dans l’EMS.
Quelques références précieuses pour approfondir le sujet et repenser les pratiques :
- Guide sur les aménagements et la gestion des intersections des véloroutes (CEREMA). Une citation qui a retenu notre attention : « Moins l’itinéraire cyclable est interrompu, plus il est attractif. » (p.12)
- Rapport sur l’expérimentation nantaise de priorité aux cyclistes à certains carrefours (CEREMA)
- Chapitre dédié aux intersections dans l’indispensable guide des aménagements cyclables de Paris en selle (p.97)
- Une vidéo instructive d’Altis play au sujet des carrefours.
Sur le passage au début de la route du Général de Gaulle en photo, environ 4 fois sur 5, les automobilistes en provenance de Strasbourg cèdent la priorité aux cyclistes spontanément. Sans doute parce qu’ils ont un regain d’attention après un carrefour un peu délicat. Et on va pas se mentir, en tant que cycliste, c’est pas désagréable.
Je ne comprend pas que ce ne soit pas pérennisé avec un cédez-le-passage franc pour les voitures. Ça ne changerait pas grand chose pour ces derniers, sinon de clarifier la situation.
Bravo pour votre article et vos actions concernant la priorité des cyclistes aux intersections ! C’est un passage obligé pour un rééquilibrage du « rapport de force » entre les cyclistes et les automobilistes. Et c’est tellement évident quand on circule en Allemagne … Reste aux élu.e.s alsaciens d’en prendre conscience et d’avoir un peu de courage sur le sujet (ce qui n’est pas gagné). Patrice